Alexandra Oury Blaire
« Une certaine lumière vous prend très vite de plein fouet, à la gorge et à bras-le-corps, vous retournant, vous chamboulant l’esprit vers où, vers quoi, sinon une quête infatigable de dépayser le paysage. C’est-à-dire revivre en le réinventant sensoriellement tout ce qui nous traverse du visible et de l’invisible. Du macrocosme vivifié par le microcosme. Comme si des secrets attendaient sous l’humus et l’écorce de la forêt de Chassemy, de nous parler de notre germination à venir, au centre de la petite éternité de l’art ou de tout ce que nous laissons derrière nous après le grand départ. » Jean-Marc Brunet – MURMURATION DES SIGNES – Notes d’atelier. Textes de Dominique Sampiero (El Viso, 2023).
Dominique Sampiero était à la Maison de la Culture Amiens le 21.03.24, pour une lecture proposée dans le cadre de la remarquable exposition « Murmuration des signes » consacrée jusqu’au 28 mars au travail du peintre Jean-Marc Brunet. Composée de peintures et sculptures de l’artiste qui vit et travaille à Chassemy (Aisne), elle donne aussi à voir un magnifique florilège de ses livres d’artiste, témoins de son dialogue fertile avec l’écriture contemporaine. Michel Butor, Bernard Noël, Jean-Clarence Lambert, Jean Orizet, Yves Namur, Béatrice Marchal et bien d’autres, ont collaboré avec lui. Dominique Sampiero aussi bien sûr, qui n’a pas manqué de rappeler : « Il y a de l’amitié entre Jean-Marc Brunet et beaucoup de poètes, qui va au-delà du fait de faire des livres et d’écrire ensemble, c’est vraiment une amitié de l’être avec. Jusqu’au bout du chemin ».
Avant de lire des extraits de MURMURATION DES SIGNES (El Viso), et de Mon âme ne roule pas en Audi (L’herbe qui tremble, 2024), recueil où figurent onze dessins de l’artiste, le poète s’est exprimé ainsi : « il n’a jamais été question de mettre des mots sur la peinture de Jean-Marc Brunet, ni d’aucun peintre avec qui je travaille depuis des années. Mais de me laisser envahir – c’est ce que je vous souhaite – de me laisser habiter par la toile comme si cette toile aussi me regardait. Comme si cette toile m’embarquait dans sa propre présence. Comme s’il y avait – on peut délirer – de la conscience dans la peinture. Une conscience différée. Une conscience déplacée. Comme si un peu de moi devenait Nous. » Le temps a
semblé suspendu pendant sa lecture et un peu au-delà. Dans un respectueux silence qui en disait long.